Il y a quelques semaines, j’ai eu l’immense chance de présenter mes récents travaux lors de la conférence « Evolution – the molecular landscape » organisée au laboratoire de Cold Spring Harbor (c’est à Long Island, tout près de New York). C’était une des grandes conférences de l’année sur l’évolution (année Darwin oblige) et une des conférences Landmark de CSHL sur l’évolution, la dernière remontant à 50 ans pil poil.
Comme dans toutes les conférences, petites ou grande, il y eu une grande consommation de boissons caféines, des jugements portés principalement sur la qualité de la restauration (très bon niveau), des célébrités, des gens moins connus, des moments de gloire, des moments de solitude.
Il y a évidemment beaucoup de choses à dire sur le plan scientifiques, vu la qualité et surtout le nombre de conférences auxquelles l’équipe de Procrastinons un peu… a assisté. Pour essayer de faire court et logique, mes réflexions post-conférence vont se composer en trois actes : les bofs, les ouais cool et le top du top du meilleur de.
Donc, commençons avec le bof.
Il est difficile de vraiment pointer une conférence décevante, sur le plan scientifique du moins, il est difficile avec le jetlag de garder les paupières ouvertes quand on s’emmerde. J’en vois une qui sort du lot, plus une intervention qui n’était pas prévue au programme.
Globalement, il y a un grand reproche que je ferai à mes collègues scientifiques, c’est qu’ils ne savent pas présenter. Certains, si, heureusement. Les conférences incriminées ne sont pas du tout dépourvues sur le plan scientifique, mais les auteurs oublient souvent la différence entre forme et fond en s’imaginant que seul le fond compte, qu’une présentation à la science solide sera intéressante d’elle-même. C’est une erreur grave qui prend forme dans l’oublie simple qu’un scientifique est avant toute chose un être humain, c’est à dire attiré par ce qui brille, ce qui est rigolo, ce qui est sexy, ce qu’il peut comprendre et assimiler dans le laps de temps très court d’une conférence : vous avez deux minutes pour gagner la foule et vous la mettre dans la poche, au delà c’est foutu.
J’ai pu donc assister à des conférences au sujet alléchant sur le papier mais qui débitaient résultat après résultat sans pause, sans consistance, sans saveur quand ce n’était pas des conférences qui essayaient vainement de résumer vingt ans de recherche en vingt minutes, le débit monocorde qui mitraillait l’audience fait après fait.
Je retiendrai de plus particulièrement négatif dans le fond tout d’abord l’intervention impromptue de James Dewey Watson, si tenté qu’il y a eu un fond scientifique à ses paroles. Notre cher prix Nobel et chapardeur de résultats professionnel nous a donc fendu de dix minutes sur les prédispositions génétiques à telle ou telle maladie, l’autisme en particulier, entrecoupées de diverses blagues qui m’ont échappées. Polémiquement, il y est allé mollo, scientifiquement, c’était vide. Il faut préciser que ce bon vieux James présidait CSHL depuis un bon moment et que dans la salle de conférence trônait en même temps que lui son portrait plus grand que nature affublé de son éternel pull-over jaune. Bref, un moment à oublier de la part d’un contre exemple de ce qu’un scientifique devrait faire et être.
Le moment le plus désagréable pour moi fut la venue de J. Craig Venter, du J. Craig Venter Institute, sorte de Dark Vador de la science. Pour replacer un peu le personnage, c’est lui qui voulait être le premier à séquencer le génome humain pour pouvoir le breveter. Complètement (à lire sur le sujet des brevets).
Ce cher Craig n’est pas un scientifique, malgré le PhD qu’il affichait sur la page titre de sa présentation. Non, c’est un businessman, avec assez de succès du reste, mais il n’est pas et ne sera jamais un scientifique. Tout d’abord il est malencontreux de confondre code génétique et séquence génétique pour un journaliste, encore plus pour qui veut jouer au scientifique. De plus, ce bon vieux Craig présentait ses résultats sur les génomes artificiels très intéressants ; il arrive à fabriquer des génomes artificiels qui marchent à partir de bouts de vrais génomes, un peu comme Frankenstein. Pourtant jamais il n’a esquissé une once de questionnement sur les implications de ses résultats. Trouver qu’il faut ceci, ceci ou cela pour fabriquer un génome artificiel qui marche ne l’intéresse que pour le coté technique. Pourquoi le faire ? Parce que l’on peut le faire. C’est tout. Il y avait un milliard de question que Craig aurait pu se poser, jamais il ne l’a fait, c’est dommage.
Ces deux exemples précis ne sont que deux interventions dans une mer de conférences vraiment scientifiques. Quelques unes sont sorties du lot, je vous en ferai part dans le prochain billet.