Deuxième billet consacré à la conférence de Cold Spring Harbor Labs, cette fois sur les ouais cool.
Le niveau général des conférences était très élevé, malgré tout ce que j’ai pu dire de méchant, en tout cas du point de vue strictement scientifique. Quelques conférences ont dépassé le lot, la plupart du temps par un bon lien entre fond et forme : un sujet pas totalement inintéressant en soi traité de la bonne manière, soit un bon dosage entre fond et forme. Il s’agit là d’une liste faite à partir d’impression à chaud et de relecture de notes à froid sous la forme de liste sans lien évident entre toutes ces conférences.
C’est David Kingsley qui le premier retint mon attention, avec les honneurs puisqu’il parlait durant la première session, le premier soir. Un grand merci aux organisateurs qui ont pensé à tous les européens assistant à la conférence en organisant une session le tout premier soir, ce qui revenait à assister aux conférences après plus de 24 heures sans dormir. Ce cher David étudiait les liens entre mutations dans le génome et gros changements phénotypiques (perte ou gain de nageoire, ou autre) en utilisant des poissons comme outils de base, ce fut très intéressant et instructif.
Ce fut ensuite au tour du grand, de l’immense Brian Charlesworth d’illuminer la conférence en parlant de l’influence et de l’importance de la recombinaison en évolution. Rappelons que la recombinaison est l’échange d’ADN entre chromosomes, c’est un phénomène très commun (même dans vos chromosomes) et très étudié. Ce cher Brian a fait honneur à son statut de star dans le domaine.
Deux conférences dans la session sur l’évolution culturelle ont retenu mon attention, l’un par Daniel Dennett et l’autre par Matt Ridley. Le premier a parlé des mots et de leur évolution pour argumenter du fait qu’ils sont un exemple parfait de mèmes. Un mème est une entité culturelle (un mot, une pratique culturelle, une méthode de travail, une recette de cuisine) qui se transmet (se réplique), évolue et est soumis aux lois de la sélection naturelle. C’est à Richard Dawkins que l’on doit la définition d’un mème dans son livre Le Gène Égoïste par en 1976. Personnellement j’adhère à l’hypothèse des mèmes comme éléments essentiels de l’évolution culturelle même si sa plus grande faiblesse reste l’absence de support (ou vecteur). Pour mieux comprendre, un gène ayant pour support l’ADN, si un mème peut être comparé à un gène, alors nous ne connaissons pas d’équivalent de l’ADN pour les mèmes.
Matt Ridley a lui parlé de l’importance des échanges dans l’évolution culturelle et du fait que sans échanges il y a récession (pas économique mais évolutive). L’échange est un des moteurs de l’évolution, sous la forme de reproduction sexuée au sein d’une même espèce (comme pour nous, il faut faire du sexe pour se reproduire) ou bien entre espèces plus distantes sous la forme de transferts latéraux de gènes (un thème que j’aborderai dans le troisième billet sur CSHL). Pour l’évolution culturelle, c’est la même chose : les échanges sont nécessaire à l’évolution, un de ses moteurs. Une idée à transmettre en ces temps de fermeture plus qu’active de nos frontières à tout ce qui n’a pas l’air franchement gaulois.
Une très bonne conférence de Sarah Tishkoff a présenté les résultats d’une grande étude génétique des populations humaines du continent africain. Il s’agissait d’établir le profil génétique d’individus du plus grand nombre d’endroits, tribus, ethnies, pays possibles pour ensuite retracer les liens de parentés entre tout ce beau monde et faire le lien avec certains traits culturels comme le langage.
À signaler, deux conférences sur l’évolution humaine. L’une de Tim White parlait des données de paléontologie disponibles et de certains biais de méthodologique. Quand on fait la somme de toutes les espèces nommées dans la lignée humaine, on arrive à un chiffre assez élevé qui ne reflète souvent que le désir de reconnaissance du découvreur : chaque fois que des ossements sont découverts, on y attribue un nouveau nom d’espèce. Le problème est que l’on ne prend en compte ni la diversité phénotypique intra spécifique qui se manifeste même dans les ossements, ni le fait que d’une même espèce pourra vivre un certain nombre d’année et laisser des restes à différents temps géologiques (Tim White définit une chronospecies comme plusieurs espèces situées dans une continuité temporelle sans séparation avérée de genre, on peut résumer cela à une seule espèce identifiée comme plusieurs espèces par différents restes). Il y a dans la nomenclature de ces espèces un biais méthodologique assez important provoqué par le fait (je pense) qu’il est plus facile d’attirer l’attention avec une nouvelle espèce qu’avec des restes d’une espèce déjà identifiée.
La deuxième de Steven Pinker, sur l’évolution de la cognition, selon lui spécifique à nous, les humains. Nous avons selon Steven Pinker l’habilité unique dans l’histoire évolutive de manier des concepts abstraits et de former des interactions sociales très complexes grâce à ce formidable outil qu’est le langage. La grammaire complexe en particulier nous permet de transmettre des compétences également complexes et de former des interactions non moins complexes.
Pour donner une lecture plus générale de cette conférence, je retiendrai plusieurs choses. Premièrement, les possibilités techniques offertes par les techniques de séquençage actuelles permettent des études très poussées et très ciblées sur des questions clef de l’évolution. Ensuite, une immense majorité d’évolutionnistes peuvent être considérés comme des historiens de la biologie : ils se demandent que s’est-il passé à tel ou tel moment de notre histoire évolutive, moins quels sont les concepts globaux qui gouvernent l’évolution des espèces. Enfin, j’ai trouvé que c’est la grande question que sommes-nous qui motivent les études sur l’évolution : l’origine de la vie il y a 3 milliards d’années et l’évolution humaine.
La fin dans le prochain billet avec une conférence (et le papier qui va avec) décortiqué par l’équipe de Procrastinons un peu…